Pour en apprendre plus sur la Webtoon Academy, nous sommes allés dans les locaux parisiens de Média-Participations à la rencontre de Ainara Ipas, la CEO de la plate-forme de webtoon Ono, lancée par Dupuis. Nous avons été chaleureusement accueilli par Ainara Ipas et par Hugo Sallé, chargé de mission développement et IP management.
Ainara Ipas, dans les locaux de Média-Participations.
Webtoon Actu (WA) : Je vous remercie beaucoup de me recevoir pour Webtoon Actu, dans vos locaux de Média-Participations. Je voulais vous rencontrer pour parler de la Webtoon Academy mais avant, est-ce que vous pourriez vous présenter, puis présenter aussi Ono ? C’est l’occasion de connaître l’activité de cette partie de Média-Participations.
Ainara Ipas : Tout d’abord, bonjour aux lecteurs et aux lectrices de Webtoon Actu.
Je m’appelle Ainara Ipas, je suis la directrice générale des plateformes de lecture digitale du groupe Média-Participations, à savoir une plateforme qui va fêter sa quatorzième année, Izneo, qui propose de la BD numérique et du manga numérique et, plus récemment, la plateforme de webtoon Ono, lancée il y a maintenant un an et demi par le groupe Média-Participations.
Pourquoi Ono dans un groupe français, européen, de médias ?
Parce qu’évidemment nous avons remarqué, observé la vague et l’appétence pour les contenus coréens en France, dans le monde. On l’a constatée en Corée, au Japon, aux Etats-Unis et les français et les françaises ont adopté très rapidement ce nouveau format de lecture. C’est une révolution dans la rapidité d’adoption d’un nouveau format et de nouveaux contenus qui n’a d’égal peut-être que l’avènement des mangas, il y a plus de vingt ans en France. Pourquoi c’est essentiel et même vital pour un groupe comme Média-Participations de se positionner dans cet écosystème, coréen pour le moment ? Parce que c’est l’accès aux lecteurs d’aujourd’hui et de demain. C’est essentiel de comprendre les attentes de ces nouvelles générations, pour leur proposer des contenus adaptés.
Mais c’est important aussi de pouvoir évoluer et, petit à petit, nous mettre aussi à produire des contenus qui vont pouvoir être réalisés en France sur la base de tous les apprentissages que permet une plateforme comme Ono.
WA: Justement, dans cette démarche de lancer cette première année de la Webtoon Academy, qu’est-ce qui vous a donné l’idée de fonder cette formation?
Ainara Ipas : L’envie de produire en France, qui est vraiment, là encore, à la genèse même du projet d’Ono. C’est-à-dire qu’on a toujours envisagé la plateforme de diffusion et la production.
Nous voulons utiliser notre capacité à créer des nouvelles IP (Propriétés Intellectuelles), des nouvelles franchises, afin d’alimenter le patrimoine du groupe et le patrimoine français de manière générale.
On a quand même rapidement fait le constat qu’il y a beaucoup d’auteurs, d’autrices de webtoon de grand talent en France mais qu’on avait un système de production qui est encore inexistant.
On a des auteurs et des autrices qui se retrouvent finalement à créer leur série dans une certaine solitude et qui ne peuvent pas s’appuyer sur la force d’un studio, qui ne peuvent pas déléguer. Alors qu’en Corée, un studio de webtoon, c’est sept équipes qui travaillent sur une série. Donc, sept équipes qui livrent un épisode par semaine, c’est un travail intense. Mais on constate que c’est un système qui est assez rodé comme l’animation en France.
On a, finalement, en France, des auteurs et des autrices qui font la même chose, qui ont les mêmes contraintes de livrer un épisode par semaine, mais seuls, en faisant tout. On a beaucoup rencontré et échangé avec les créateurs et les créatrices, c’est un système qui ne tient pas la route, qui épuise absolument tout le monde et qui permet très difficilement aux séries françaises de concurrencer des séries internationales, parce qu’elles vont durer quatre-vingt à cent épisodes. Ça fait partie du succès des séries d’être très longues, et elles vont donc avoir des moyens de production, de création de décor alors qu’un auteur seul va avoir du mal, ne serait-ce qu’à tenir le rythme sur une durée aussi longue.
Donc, on s’est dit: il faut vraiment qu’on apprenne des coréens, qu’on apprenne à bien comprendre comment ils font et qu’on forme aussi les talents français. Puis l’étape d’après sera d’avoir nous aussi un studio en France en prenant les bonnes pratiques coréennes mais en les structurant dans un contexte très local, évidemment.
Le projet de Webtoon Academy, on ne l’a pas inventé, c’est notre partenaire coréen, Kenaz, qui en est à l’origine. On a monté Ono Correa, qui est une société à cinquante-cinquante, avec Kenaz, le plus grand studio indépendant de webtoon en Corée.
Et c’est à travers ce partenariat que Kenaz nous a parlé de la formation qu’eux-mêmes avaient mise en place, la Webtoon Academy en Corée avec Naver, Kakao et Apple depuis cinq ans, puis au Japon, à Tokyo, l’année dernière. C’était la première fois que cette formation était faite en dehors de Corée.
Et nous nous sommes dits : On a tous les atouts pour monter la Webtoon Academy en France, avec les spécificités françaises. On a donc travaillé vraiment main dans la main avec Kenaz sur ce projet.
Kenaz fait venir des formateurs coréens pendant trois mois pour former nos participants.
On peut se demander quel est l’intérêt de Kenaz d’aller former des talents dans le monde entier ?
Les coréens sont très humbles, réalistes et conscients de leurs propres limites. Ils ont la force de l’efficacité, indéniablement. Mais ils perçoivent une limite dans leur capacité à proposer des nouveaux récits. Ils le voient bien, ils savent analyser des datas de plateforme et, sur la base de ces données, proposer des contenus qui vont plaire aux lecteurs. En revanche, créer la surprise avec une œuvre éditoriale, prototypale, de création, c’est plus compliqué. Nous, on a une histoire de raconteur de récits, qui est très, très ancienne. C’est cela qu’ils viennent chercher. Ils se rendent compte que ce mariage entre leur efficacité redoutable sur des tâches assez redondantes ou rébarbatives parfois, et notre apport pour renouveler le genre peut être assez magique.
Ce qui, in fine, permettra au webtoon de ne pas être un format coréen et, je l’espère, d’aller vraiment vers un format plutôt universel que tous les pays vont pouvoir s’approprier, ce qui serait garant de la pérennité du webtoon.
WA: C’est très intéressant le constat que vous faites sur la différence entre les équipes rodées en Corée, les auteurs en solitaire en France pour un épisode par semaine et la conséquence qui en est le burn-out des auteurs qui doivent créer cinquante-deux épisodes par an, sans pouvoir réussir à s’organiser des pauses dans l’année.
Vous avez parlé du studio Kenaz comme partenaire. Quels sont les autres partenaires dans la Webtoon Academy ?
Ainara Ipas : Il y a un florilège de partenaires dans la Webtoon Academy. Ce qui fait vraiment sa force. On se rend compte que beaucoup d’acteurs du public et du privé voient le potentiel du webtoon et ont envie que ce marché se professionnalise et se structure en France. Les partenaires vont du privé, Wacom par exemple, fabricant de tablettes, qui fournit tout le matériel pour les étudiants et les formateurs, Celsys et Adobe qui vont fournir la partie logiciels, au public. C’est important que les organismes publics prennent conscience de ce marché et de la place que nous pouvons y jouer et nous soutiennent. A Angoulême, la Cité de la Bande Dessinée a mis à disposition des salles magnifiques pour les étudiants. On est également soutenu par l’EMCA, une école d’animation, qui propose aussi des salles pour les travaux personnels des étudiants. Et on est soutenu en Corée par la Seoul Business Agency, un organisme émanant de la mairie de Séoul qui soutient le développement du webtoon et qui finance notamment la venue des formateurs coréens et des traducteurs en France.
WA: Ça renforce le côté international du projet qui commençait déjà avec des partenariats comme celui avec le studio Kenaz.
Ainara Ipas : Oui, la Webtoon Academy est une formation qui va accompagner individuellement les projets des élèves. La semaine de formation se construit avec tous les matins des cours collectifs prodigués par les formateurs, des producteurs coréens de chez Kenaz, qui vont outiller les élèves sur la palette de compétences. On ne se concentre pas aujourd’hui sur le scénario, sur le dessin, c’est vraiment une vision globale. Que ce soit les outils, le character design, tout sera couvert le matin à la Cité Internationale de la Bande Dessinée. Et l’après-midi, à l’EMCA, les élèves travaillent chacun sur leurs propres projets et mettent en application ce qu’ils ont appris le matin. Ils ont derrière leur épaule un formateur coréen qui propose un accompagnement très personnalisé pour les guider. Au bout de trois mois de formation, chaque participant aura réalisé les trois premiers épisodes de sa propre série.
Nous, l’ambition qu’on se donne, c’est de former ces élèves pour que leur série puisse toucher un public international, dans des standards de production internationaux qui peuvent toucher des lecteurs coréens, japonais, américains et autres.
WA: Ca me fait rebondir sur une question: on évoquait les studios coréens qui travaillent avec de grandes équipes. Est-ce qu’il y a cette initiation au travail en équipe, pas forcément intuitive chez un auteur qui a appris à dessiner, à raconter seul et qui peut se retrouver à gérer plusieurs personnes.
Ainara Ipas : Cette partie est cruciale mais on ne veut pas copier-coller un modèle coréen, parce que le collectif coréen ne sera pas le collectif français. C’est notamment avec cette grille de lecture-là, qu’on a aussi sélectionné des candidats avec cette capacité ou cette envie de collectif.
Lors de la Webtoon Academy, vont émerger des talents qui vont être plus prononcés sur certaines compétences, certains métiers. Et on a justement le projet d’avoir une vision très complémentaire des compétences. Le collectif va s’exprimer aujourd’hui dans le partage, la mise en commun d’idées, de questionnements entre tous les élèves de la promotion.
On est très empirique dans notre démarche. On apprend en faisant. L’étape d’après, l’enjeu, sera vraiment de trouver la structure de production qui nous permette de produire plus efficacement, plus qualitativement, d’une certaine manière qui permette de soulager les auteurs et les autrices, et qui soit acceptée. C’est-à-dire que les auteurs et autrices y voient leur intérêt.
C’est pour ça qu’on ne peut pas copier-coller, je pense, le modèle coréen, où la place de l’auteur est finalement moins centrale. On est dans un modèle plus proche de l’animation.
Alors qu’on sent déjà qu’en France, la place de l’auteur devrait être plus prépondérante. C’est pour cela qu’on reste aussi très humble sur cette approche.
On sait où on veut aller, on sait à quel problème, à quelles problématiques on doit répondre et de quelle manière. On avance progressivement dans l’idée que ces trois mois soient aussi une formation pour nos équipes pour ensuite vraiment structurer l’activité de production, à compter de 2025, si tout va bien.
WA: Vous parliez de l’objectif de la Webtoon Academy d’avoir des auteurs qui puissent créer des webtoons lus à l’international. Est-ce qu’il y a d’autres objectifs dans votre démarche ?
Ainara Ipas : Le premier objectif, c’est vraiment de professionnaliser ce marché. Pour le professionnaliser, il faut le placer au bon endroit. Il faut des talents et des séries de référence qui vont pouvoir guider et convaincre de la pertinence de développer cette filière.
Pour ça, le marché français, aujourd’hui, est intéressant. Il se développe, mais ne permet pas de rentabiliser des séries entièrement créées localement.
Donc, on se donne comme objectif qu’à l’issue de la Webtoon Academy de sélectionner des projets.
On aura douze projets. Combien va-t-on en sélectionner ? La quantité n’est pas fixée mais on échangera avec Kenaz, notre partenaire en Corée, sur quelles séries pourraient justement répondre à cette ambition-là. Et on les accompagnera jusqu’au bout, dans la production et la diffusion parce que notre partenaire coréen a ses connexions pour diffuser dans les pays où le webtoon est très puissant.
Ça, c’est un objectif très concret à l’issue de la Webtoon Academy.
Ensuite, le deuxième objectif est le suivant : les talents qui vont être formés, qu’on les produise ou pas, auront finalement le matériel à l’issue de la formation pour, s’ils le souhaitent, continuer leur série de leur côté ou aller les proposer à des plateformes internationales, qui sait ? Parce que finalement, ils auront trois épisodes, l’équivalent d’un pitch, à montrer pour pouvoir être publié.
Et le dernier objectif, c’est un objectif pour nos équipes. On a recruté une productrice de webtoon, Diane, qui est basée à Angoulême dans les studios de Ellipse Animation.
On a effectué ce recrutement en sachant que ce métier n’existe pas en France. On doit donc créer, former cette productrice qui, elle-même, pourra former d’autres producteurs et productrices. On a l’objectif, là aussi, de transfert de compétences entre les formateurs coréens et l’équipe française, pour être en capacité d’avoir toutes les cartes en main afin de concevoir la structure de production la plus pertinente à Angoulême.
WA: Vous évoquez le métier de productrice de webtoon justement. Quelle est la différence entre l’éditeur de webtoon, la personne de la plate-forme qui peut accompagner les auteurs sur la relecture de leurs épisodes ou la signature des contrats et le producteur de webtoon ?
Ainara Ipas : De mon point de vue, il n’y a pas de plateforme qui fasse un métier, un travail d’édition en France, auprès des auteurs de webtoon. Je ne vois pas d’éditeur ou d’éditrice de webtoon qui font plus que de l’accompagnement financier. Mais en revanche, on a effectivement dans les maisons d’édition, que ce soit chez Dupuis, chez Dargaud plus récemment et dans d’autres, des éditeurs de webtoon qui travaillent de la même manière qu’un éditeur de livres, c’est-à-dire qui accompagnent un auteur dans une relation individuelle.
Le producteur de webtoon va être plutôt une sorte de showrunner. On a parlé de la création collective. Le rôle du producteur, c’est évidemment un rôle d’éditeur. Il doit être extrêmement pertinent en tant que force de proposition sur les aspects graphiques, narratifs, etc. et peut être amené à mettre sa patte. Mais c’est aussi un organisateur de production.
Il faut avoir ce double cerveau, littéraire et ingénieur. D’une certaine manière, c’est ce qu’ont les coréens. Pouvoir vraiment faire de la planification, définir quelles sont les tâches qui vont pouvoir être justement déléguées, s’assurer de créer un process de production qui roule, ça, c’est une sacrée organisation ! Le producteur coréen est le chef d’orchestre de sept équipes. Et il a en même temps entre trois et cinq séries à suivre. On est vraiment dans un fonctionnement extrêmement industrialisé.
Chez nous, le rôle de l’auteur étant prépondérant en France, le producteur sera moins dans cette ingénierie, mais néanmoins il est le garant du collectif dans le projet.
WA: D’accord, je comprends mieux la différence. Vous parliez aussi du développement, de la structuration du marché. Il y a la place économique de l’auteur sur le marché. Et c’est compliqué quand on doit produire un épisode par semaine et que cela n’a pas forcément de retombées économiques suffisantes pour vivre correctement alors que l’épisode vous prend toute votre semaine. Il y a une vraie problématique autour des auteurs et ça fait partie des points importants à prendre en compte dans la structuration du marché. Comment avez-vous pensé à cet aspect ?
Ainara Ipas : Compte tenu des coûts de développement d’un webtoon, le marché français, aujourd’hui, n’est pas suffisant pour rentabiliser une série. A partir de là, je ne peux pas critiquer les approches de plateformes concurrentes. Mais cette réalité économique, on le voit bien, il faut en avoir conscience. Aujourd’hui, ce serait un leurre de dire à un producteur, à un auteur, une autrice de webtoon d’imaginer que sa série uniquement diffusée sur des plateformes en France pourra lui permettre de générer des revenus qui lui permettront de vivre. Ce n’est pas le cas de nos jours. C’est une réalité économique.
On a la conviction que ça sera le cas demain, parce que le marché n’est pas du tout à maturité et qu’il évolue. Néanmoins, le modèle économique en Corée et les revenus des webtoonistes sont tout à fait confortables parce qu’ils ne tirent pas leurs revenus du marché français, mais des marchés coréens, japonais, et américains dans une moindre mesure. Ce sont des talents très recherchés.
Ou alors, il y a un autre volet, qui est aussi une approche coréenne, c’est voir le webtoon comme une sorte de projet pilote pour un artiste qui a des velléités, par exemple, dans l’animation, dans l’audiovisuel. Le webtoon peut être un format très intéressant pour tester un concept dans une économie raisonnable. Et dans ce cas-là, on va moins chercher la rentabilité économique de notre série que la découverte de l’appétence du lectorat, à qui cette série s’adresse. Eventuellement, le format webtoon sert un peu de pitch ou de bible à un projet d’animation ou de film. Ça, c’est une approche aussi intéressante. On a des partenariats avec les écoles comme Les Gobelins ou Emile Cohl, notamment dans le cas de la Webtoon Academy. Ce sont des choses dont on a parlé avec les écoles, avec les étudiants : La marche à franchir pour faire votre premier projet d’animation va être très haute, celle pour créer votre webtoon va être un peu plus basse et vous permettra peut-être plus facilement d’accéder à votre objectif.
WA: Dans ce cadre-là aussi, c’est important de préciser que la Webtoon Academy est gratuite pour les participants qui ont été sélectionnés et qu’ils n’ont pas de frais à payer pour intégrer la formation. Ca fait partie des démarches qui vont vers les auteurs.
Ainara Ipas : Tout à fait. Ils ont accès à des dispositifs de sécurisation de l’emploi, qui leur permettent d’avoir des moyens pour se loger, etc. Le webtoon, c’est une culture populaire. Il a cette puissance d’être un contenu qui est vraiment en direct avec les lecteurs. Je dirais une bêtise en disant que tout le monde peut faire du webtoon. Mais en pratique, finalement, on peut s’auto-éditer dans le webtoon à moindre frais qu’on peut le faire dans la BD papier.
C’est un format qui est aussi populaire dans les formes, dans les récits qu’il propose, en tout cas aujourd’hui.
Pour nous, c’était essentiel, c’était vraiment une condition de départ que la formation soit gratuite,
qu’il n’y ait pas le moindre frein à venir se former, et pas le moindre frais. Et on a appliqué cela aussi aux étudiants africains, puisqu’on avait le souhait d’ouvrir des places à des étudiants d’Afrique. On y est arrivé puisqu’on a une Camerounaise, une Malgache et un Gabonais qui ont rejoint la formation. Et, là aussi, on a mis en place, avec les Instituts Français notamment, des dispositifs qui leur permettent de pouvoir vivre à Angoulême pendant trois mois, sans rémunération, sans salaire.
Pouvoir vivre, être logé et formé gratuitement, donner vraiment à chacun les mêmes chances de réussite, c’était aussi un objectif important pour nous.
WA: C’était une volonté de départ d’ouvrir au continent africain la Webtoon Academy ? Vous avez reçu beaucoup de demande de participation d’auteurs africain ?
Ainara Ipas : C’était un peu un rêve au départ, un fantasme.
Et puis on a la chance d’avoir une directrice du développement Afrique dans le groupe, Assiatou, qui se rend très régulièrement en Afrique et a accompli un travail formidable.
On n’a pas fait d’appel à projet comme on a pu faire en France. De toute façon, le timing ne le permettait pas. Parce qu’après, avec les demandes de visa, etc, c’était trop court. Aussi Assiatou est allée sur le terrain rencontrer les artistes ou les personnes qui avaient des connexions avec les artistes. Ça a vraiment été une enquête quasiment de terrain pour aller identifier, dénicher des talents.
WA: C’est un énorme travail. c’est vraiment une démarche de porte-à-porte, aller toquer et rencontrer des gens. Vous évoquiez tout à l’heure, la sélection et l’accompagnement de certains projets. Ca veut dire que la formation permet à des auteurs, d’une part, d’apprendre un métier, mais aussi pour certain projet, d’avoir un suivi après la fin de la formation.
Avez-vous déjà eu une idée de comment va se passer l’accompagnement des projets que vous aurez choisis ? Si ce sera, par exemple la productrice de webtoon qui va intégrer dans les séries qu’elle suit des projets sélectionnés ou si ce sera une autre approche.
Ainara Ipas : Je parlais de la démarche empirique, mais on est vraiment là-dedans parce qu’aujourd’hui, on ne détient pas de vérité. Et je pense qu’il faut qu’on s’en empêche.
Ca va dépendre, par exemple, de la typologie d’un projet, d’un artiste, des besoins, des points faibles et des points forts. On va être vraiment dans une démarche très personnalisée qui va se construire au fil des prochains mois.
C’est comme ça qu’on a construit la Webtoon Academy, c’est comme ça qu’on va continuer, parce qu’aujourd’hui le marché n’est pas structuré à plein d’égards, la filière n’existe pas. Il faut qu’on la crée. Et on préfère le faire de façon progressive, en ayant intégré à notre réflexion toutes les parties prenantes plutôt que de venir avec des solutions, avec un process qu’on va venir plaquer en essayant de faire rentrer les artistes dedans.
Mais quelles sont les attentes des artistes français ? Qu’est-ce qu’ils vont apporter à ce marché ? Qu’est-ce qu’ils ont à dire de différent ?
Il y a trop de questions encore, mais on est convaincu du potentiel. On est convaincu que ça doit se passer en France, que cette filière doit exister en France. On a trop de talent, trop d’histoires à raconter. Mais sur le concret de l’accompagnement, pour le moment, on apprend et on co-construit aussi avec les coréens qui ne sont pas du tout dans la démarche de coller les méthodes coréennes en France. Donc ça va être là aussi du collectif dans la façon d’accompagner.
WA: D’accord, c’est une construction intéressante. En fait, depuis la Webtoon Factory, lancé aussi par Dupuis, jusqu’à la mise en place de Ono, puis de la Webtoon Academy, il y a une logique qui ressort. Avez-vous eu des candidatures de gens venus de la Webtoon Factory ?
Ainara Ipas : Sincèrement, je ne saurais pas vous dire. Moi, je n’ai pas dépouillé. On a reçu plus d’une centaine de candidatures. Ce qui est sûr, c’est que Dupuis leur a passé l’information dès que le projet a été imaginé.
Je sais qu’il n’y en a pas parmi les douze élèves sélectionnés. Après, je ne saurais pas vous dire dans les cent et quelques dossiers reçus.
WA: Ça veut dire que pour une douzaine de places, il y a une centaine de personnes qui candidatent. La sélection a dû être difficile puisque, ça fait dix pour cent des candidats et des candidates. Comment s’est passée la sélection ?
Ainara Ipas : C’était une réflexion collective entre les gens de Kenaz, d’Ono et d’Ellipse. C’est une réflexion tripartite entre des personnes de chez Ono, très expertes sur le contenu, des producteurs chez Ellipse et puis les formateurs coréens, qui sont aussi des producteurs en Corée. Les entretiens ont eu lieu avec toutes ces personnes. D’abord le dépouillement, puis après les entretiens.
WA: On a fait un tour assez complet de la Webtoon Academy. Avez-vous quelque chose que vous auriez envie préciser.
Hugo Sallé : La diversité des profils sélectionnés, au sens où il y a des gens qui ne viennent pas que du webtoon. Il y a des personnes qui viennent du storyboard d’animation. Et aussi l’idée de rassembler des personnes de la francophonie en général. Le fait qu’on croit à la convergence.
Ainara Ipas : C’est vrai, on a effectivement des profils plutôt bandes dessinées et d’autres plutôt animation. Nous avons aussi des autodidactes, comme un étudiant qui publie sur un compte Instagram, mais qui vit dans un village éloigné de la ville au Gabon.
Effectivement, nous sommes allés sur les deux terrains, BD et animation. On a eu une démarche assez proactive de ce point de vue-là. Nous étions à Angoulême avec nos partenaires coréens pour présenter la Webtoon Academy lors du Festival International de la Bande Dessinée avant d’aller à Annecy là aussi avec les équipes coréennes, pendant le festival du film d’animation pour parler aux étudiants, aux artistes, etc. Et c’est vrai que des personnes travaillant sur des storyboards en animation sont extrêmement pertinentes pour aller travailler sur du webtoon.
Je vous remercie beaucoup, de nous avoir fait découvrir la Webtoon Academy.
Ainara Ipas : Avec plaisir. Merci beaucoup.
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