C’est avec plaisir que nous avons rencontré Camille Prieur et vincent Malgras, les auteurs – entre autres histoire – du Webtoon LastQuest, qui comporte des animations et du son !
Votre histoire, cette quête de pierres magiques pour sauver un monde, pourrait sonner comme un récit d’Héroic-fantasy, et vous avez choisi la science-fiction pour la raconter, qu’est-ce qui vous a donné cette idée ?
En fait, nous avons toujours aimé les deux genres. Pour nous, la fantasy a un côté plus littéraire, plus BD, alors que la SF relève plus du cinéma. Ce côté SF venu naturellement quand nous avons développé l’histoire.
Vous avez opté pour un récit muet, les seuls textes, au début et à la fin de l’histoire, sont des cadres qui nous content l’ouverture et la conclusion du récit. Pourquoi ce choix ?
Pour le coup, c’est la technique qui nous a contraint à faire ce choix. Intégrer beaucoup de texte et des personnages qui parlent, alors que nous avons effectué un travail de sound design poussé, avec des sons d’ambiance et des musiques, aurait pu surprendre le lecteur. En effet, on entend les sons, mais on n’entend pas les personnages qui parlent, on voit leur texte dans des bulles. Pour éviter cette confusion, nous avons opté, à part pour le premier chapitre, qui présente des encarts de texte et non des dialogues, pour une histoire muette.
Le son apporte une véritable ambiance sonore. Sauf à certains moments – que nous ne dévoilerons pas pour ne pas gâcher le plaisir – où il prend un rôle narratif, il fait sens dans l’histoire.
Oui, nous avons voulu jouer sur les deux aspects. L’aspect narratif du son était intéressant à traiter. Quand nous travaillons avec le compositeur, Antoine Texeira, nous lui donnons des éléments très détaillés, sur ce que l’on voit dans une case, ce que l’on imagine, l’émotion que l’on veut faire naître chez le lecteur. Et à partir de là, il travaille ces musiques et ces sons.
Pour Lastquest, le travail sonore était vraiment important, c’est un des points que nous voulons défendre dans la BD numérique.
Le son nous immerge vraiment dans l’histoire. Et à côté de cela, il y a aussi des effets visuels. Comment les avez-vous pensé ?
Les effets visuels sont de deux types. Il y a les boucles d’animation visuelles et aussi les parallaxes. Ces deux éléments contribuent à l’ambiance de l’histoire. Mais si nous devions refaire de la BD numérique, nous y mettrons plus de parallaxe que ce que nous avons fait dans LastQuest.
Est-ce que vous aviez un délai, une limite de temps pour finaliser les six chapitres de cette ambitieuse BD ?
Nous avons obtenue une aide financière de la fondation Glénat pour ce projet. C’est cette aide qui a défini le temps que nous avions pour faire la BD. En fait, c’est nous qui nous sommes donnés des délais en fonction de ce prix. Nous avons eu la chance d’être accepté en résidence chez Supamonks, un studio à Arcueil qui prend plutôt des projets de films d’animation, mais ils ont été emballé par LastQuest. Ils nous ont offert un espace de travail, et aussi un regard. Au cours de la production, Nous avons eu plusieurs réunions avec eux où ils nous ont fait part de leurs retours. Cela nous a aidés à avancer.
Produire cette BD nous a pris un an de travail. Puis nous avons diffusé un épisode par semaine.
Nous avons procédé ainsi car nous tenions à ne pas être dans la course pour boucler chaque épisode.
Vous êtes tous les deux crédités en tant que réalisateur de cette BD, Vous avez écrit et dessiné ensemble ?
En fait, nous avons vraiment travaillé à quatre mains. Nous avons écrit le scénario ensemble. Vincent faisait un premier storyboard qui m’aidait à développer un autre storyboard plus poussé. Je travaillais sur les dessins et ensuite, Vincent s’occupait des animations. Son regard sur le graphisme a permis d’affiner les choses.
Nous avions vraiment toutes les connaissances pour faire le scénario, le dessin, les effets visuels grâce à notre formation. Ce qui était un plus pour réaliser cette BD.
Il y a une petite équipe à vos côtés, Lucas Montenoise et Mostafa Gad au développement Web, Antoine Texeira au design sonore, François Barbut à la charte graphique et Théo Riboulay à la modélisation 3D, sans oublier Clorinde Baldassari à la traduction. Pourriez-vous nous dire comment vous avez utilisé la modélisation 3D dans votre histoire ?
Lucas et Mostafa nous ont aidé pour le développement, ce sont des purs développeurs et pour le site, ils ont été très utile.
Antoine, que nous avons rencontré pendant nos études, a travaillé avec nous, comme je l’expliquais précédemment, sur le sound design. Il était là dès nos projets précédents, ceux où le son avait une place.
Il n’y a pas de 3D dans notre BD, Théo est intervenu en modélisant des objets, comme le vaisseau spatial et certains personnages, comme les robots. Cela permettait de les placer dans les positions que l’on souhaitait selon les cases et ainsi, j’ai pu les dessiner plus facilement.
Il a aussi réaliser le cockpit du vaisseau que l’on voit sur l’accueil du site.
Vous avez fait l’école Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, qu’est-ce qui vous a amené vers la BD numérique ?
En fait, aux arts décoratifs, il y a plusieurs départements : animation, architecture, mode, graphisme… mais pas vraiment BD. Lors de notre projet de fin d’étude, qui s’étalait sur un an, nous avons voulu revenir à nos racines communes, à savoir la BD. Du coup, nous avons opté pour un projet de BD animée. C’est ainsi qu’est né Odyssée 2.0, qui raconte un voyage, avec des effets visuels pour la pluie par exemple, pour les ambiances, des parallaxes. Nous avons pu tester sur ce projet toutes nos envies numériques. Et après nous être confronté aux difficultés, nous avons pu appliquer ce que nous avions appris pour notre projet suivant.
Vous avez expliqué lors de la présentation de LastQuest au festival D’Angoulême avoir établi une charte, pour sortir du schéma classique du Webtoon. Pouvez-nous nous en rappeler les points forts ?
Ce projet, LastQuest, était l’occasion de montrer ce à quoi nous aspirions, l’emploi du son, des effets visuels comme la parallaxe ou l’animation, d’une mise en scène travaillée, voilà ce qui importe pour nous dans la BD numérique. Du coup, afin d’avoir le temps de développer tout cela, nousa vons fait le choix d’une narration plus classique. Nous faisons la différence entre webtoon et BD numérique.
Lors de la sortie de la plate-forme Webtoon France, Naver nous avait contacté, avec d’autres créateurs du numérique, et nous avait présenté ce qu’il faisait lors d’une réunion, nous montrant les possibilités du site. Mais cela ne correspondait pas à notre travail, à nos aspirations.
L’autre souci actuel est qu’il n’y a pas de modèle économique pour notre format de BD numérique.
Dans cette BD numérique que vous défendez, il y a aussi des éléments graphiques importants pour vous ?
Oui, le choix du style franco-belge, cela nous semblait important. Pour nous, cela ouvre la porte de la BD numérique à des tas de gens qui sont issus de cette culture, qui ne sont pas forcément lecteurs de manga. Et ce sont aussi les influences, les inspirations de notre travail, ce dans quoi nous avons grandi.
Ces idées sont-elles restée les mêmes ou ont-elles évolué ?
Elles sont restées les mêmes, mais nous pensons que dans Lastquest, avec le recul, si nous en avions eu la possibilité, nous aurions intégré plus de parallaxe, qui nous paraît vraiment un élément clé aujourd’hui.
Vos propositions, par rapport à la majorité des Webtoon diffusés en ligne, est fort différente, pourriez-vous publier des histoires sur des plate-formes de webtoon ayant une large audience, si vous pouviez y intégrer vos effets visuels et sonores ?
Oui, comme je vous le disais, nous avons rencontré Webtoon Naver. Si tout ce que nous avions fait pouvait être pris en compte, nous pourrions publier LastQuest sur ce type de plate-forme. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Et on voulait préciser aussi que ce travail de création de BD numérique représente également du temps, du scénario jusqu’à la diffusion.
Une plate-forme qui voudrait s’orienter vers ce type de BD numérique, ne pourrait pas avoir des chapitres sortant régulièrement toutes les semaines, car il faut laisser le temps aux créateurs d’affiner leur projet.
Pour vous, comment se profile l’avenir de la BD numérique ?
Il faut voir à court/moyen terme, ainsi qu’à long terme. Il y a quelques années, la BD numérique a commencé à se développer, mais sans trouver de modèle économique. Nous étions plusieurs auteurs à tenter des choses, puis cela s’est tassé. Et le webtoon a surgi en France, il s’est développé très rapidement. Quand nous avons commencé, il était beaucoup plus rare que maintenant.
Aujourd’hui, il nous manque un outil, un support de diffusion, pour la BD numérique telle que nous la voyons. Nous sommes des artisans. Nous avions échangé avec Marietta Ren, l’autrice de Phallaina, elle nous racontait aussi que son travail reposait sur de l’artisanat. Un artisanat de qualité, quand on voit le résultat. Mais, comme nous, elle n’a pas eu accès à des outils dédiés, car il n’y en a pas. On fait avec ce qu’on a, il faut maîtriser des logiciels comme Photoshop, et ça ne suffit pas pour tout faire. Voilà l’écueil qu’on rencontre pour le court terme.
A long terme, si un standard s’impose, comme le mp3 pour la musique, arriveront aussi des plate-formes de diffusion et des moyens de création.
Si, par exemple, Netflix annonçait vouloir faire de la BD numérique, cela imposerait un modèle, un cadre, où l’on pourrait développer des projets. Le fonctionnement économique et les contraintes seraient clairs.
La différence, par exemple, entre la BD numérique et la vidéo, c’est que quand Youtube s’est lancé, tout le monde savait ce qu’était un film, une vidéo, et comment les faire. Tout le ponde pouvait se lancer. Les outils étaient connus.
Mais pour une BD numérique, ce n’est pas le cas. La plupart des gens ne savent pas comment en faire et parfois ne savent pas ce que c’est.
Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?
Nous travaillons pour Fluide Glacial, sur un projet papier, des histoires courtes que nous sortons dans le magazine. Et nous travaillons actuellement sur un album, Sparte Attack, qui met en scène des Spartiates, à l’époque de l’antiquité grecque, qui ne sont pas dans le moule du guerrier. Ils ne correspondent pas au profil et tentent tout et n’importe quoi pour devenir comme leur modèle, ces spartiates musclés.
Nous avons encore un mois de travail dessus, et nous pensons que la BD sortira début 2023.
Où peut-on vous suivre pour connaître vos travaux ?
Vous pouvez nous suivre sur notre site https://prieur-malgras.com/
Tous nos travaux y sont regroupés, numérique et papier.
Et nous avons une page Facebook: https://www.facebook.com/CamillePrieurVincentMalgras/
Et un instagram, https://www.instagram.com/prieur_malgras/
Mais nous n’avons pas vraiment la fibre des réseaux sociaux. Nous allons devoir nous y mettre pour la promotion de notre prochain album en 2023, mais ce n’est pas notre casquette et comme on s’y connaît peu, on avance un peu en reculant. C’est un travail différent de notre métier d’artiste.
Camille Prieur, Vincent Malgras, merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
David
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