9 octobre 2024

KMICS nouvel éditeur de Webtoons : interview de Franck de Crescenzo, son co-fondateur et directeur général

A l’occasion de la sortie de Leviathan Deep Water, nous avons eu m’occasion de contacter KMICS une nouvelle maison d’édition sur le secteur du Webtoon. Franck de Crescenzo, son co-fondateur et directeur général a eu la gentillesse de répondre à quelques questions

Pouvez-vous nous présentez rapidement KMICS ?

KMICS est une nouvelle maison d’édition, indépendante, implantée dans le Sud-Est de la France. Forts de l’expérience éditoriale éprouvée chez Decrescenzo Éditeurs, une maison d’édition spécialisée en littérature coréenne, ses fondateurs ont souhaité créer une structure nouvelle spécialisée.

Cependant, sa ligne éditoriale centrée sur le manhwa et le webtoon, quand bien même la proximité géographique et culturelle sud-coréennes semble donner une impression de similitude, nécessitait un travail éditorial spécifique, dont les codes ne sont pas ceux de la littérature générale.

Pour cette raison, nous avons créé une autre structure entièrement dédiée au webtoon et au manhwa. Ce n’est pas un label, c’est une maison d’édition à part entière. Bien entendu, il y a une forme de proximité entre les deux entités, mais le contenu du travail est différent, tout autant que les diffuseurs.

A quel moment l’idée d’éditer du webtoon vous est-elle venue ?

Notre volonté de publier de la bande dessinée coréenne n’est pas récente. En effet, l’idée date de 2017. À cette époque, nous désirions diversifier notre activité éditoriale en présentant un plus large choix de textes et d’images de la Corée du Sud. Mais cette époque n’était pas vraiment favorable. Plusieurs éditeurs avaient tenté leur chance, avant de fermer leurs portes, faute de pouvoir prolonger l’aventure.

L’idée ne nous a pourtant jamais vraiment abandonné et nous avons décidé de tenter notre chance en 2021. Les différents succès de la Corée du Sud, que ce soit dans le cinéma, la musique (Kpop) ou les dramas, et ce, avant même le webtoon, mettaient enfin en lumière un pays jusqu’alors uniquement reconnu pour ses téléphones ou ses téléviseurs.

Nous nous sommes préparés. Pour cela nous avons beaucoup étudié le marché, le type de supports proposés (webtoon et manhwa), les contenus, les attendus puis nous nous sommes lancés mi-2022 avec l’acquisition de notre première série « Léviathan Deep Water », de NOH Miyoung et LEE Gyungtak.

       Retrouver Leviathan Deep Water sur KMICS
Les éditions Decrescenzo mettaient déjà à l’honneur la littérature coréenne, pourquoi ne pas avoir été précurseurs dans la parution des webtoons ? Est-ce dû au délai pour la mise en place du label ? A la réflexion sur la politique à tenir ? Aux négociations avec les auteurs ?

Être précurseur n’a jamais été réellement notre intention. Nous n’avons pas été les premiers en 2012 à publier de la littérature coréenne mais nous sommes arrivés à une période où cette même littérature coréenne était quasiment absente dans les rayons des librairies (moins de 50 titres traduits par an dans tous les registres, allant de la bande dessinée à l’essai). Les premiers, nous avons publié les jeunes auteurs en série, et le polar après un illustre confrère sudiste. De ce fait, nous connaissons la dure voie quand on produit des livres qui ne sont pas forcément attendus par le public.

Pour le webtoon, en 2017, l’impression était la même, nous pressentions les possibilités, mais cela restait une évasion dans un champ éditorial qui nous semblait alors lointain. Je le dis de nouveau, éditer du texte seul et du texte et de l’image sont deux choses radicalement différentes.

Nous sommes une petite structure éditoriale. De fait, se lancer dans un nouveau projet éditorial n’est pas anodin, ou du moins, ne doit pas se faire sur un coup de tête. Nous avons donc pris la mesure des enjeux, du marché, des coûts et des acteurs en présence. Et nous avons finalement agit au moment le plus opportun. Bien entendu la réflexion sur notre ligne éditoriale a été présente, et finalement elle le reste toujours. Doit-on publier ce que l’on veut, ou doit-on publier ce qui plait ? Pour notre première série, cette question n’a pas eu lieu, avec Léviathan, Deep Water, c’est un véritable coup de cœur que nous venons de publier.

Quelle est la ligne éditoriale de KMICS ? Est-ce que vous voulez défendre un genre en particulier ? Est-ce que vous ne publierez que des webtoons coréens ?

Aujourd’hui, notre ligne éditoriale est principalement centrée autour du webtoon coréen, même si nous n’excluons pas le manhwa. Nous n’écartons aucun genre (tranche de vie, action, thriller, aventure, romance…). Nous avons pour désir de proposer des titres graphiquement qualitatifs, avec des histoires ou des thèmes qui sortent un peu de l’ordinaire. Cependant, nous connaissons le lectorat actuel, donc nous essayons vraiment de satisfaire ces deux critères : publier des ouvrages de qualité pour un large public.

Pour l’instant, nous travaillons principalement avec le marché sud-coréen, un marché abondant que nous connaissons bien. Nous n’excluons pas cependant une ouverture à d’autres aires géographiques, française incluse, à terme.

Quelles sont vos ambitions (à court terme et à plus long terme) ?

Nous sommes modestes : installer notre maison dans le panorama éditorial, faire de bons choix pour satisfaire le lectorat, fabriquer de beaux livres, agréables à avoir en mains, se faire plaisir pour faire plaisir. C’est un résumé rapide, mais cela implique énormément de travail et de rencontres, notamment en Corée du Sud ainsi qu’auprès de nos amis libraires, et la participation future à des salons du livre spécialisés.

Pensez-vous ensuite évoluer vers le lancement de créations ? Vers l’établissement d’une plateforme de lecture KMICS ?

C’est une véritable question que nous nous posons. Mais pour l’heure, cela nous paraît difficile. Les acteurs déjà présents sont nombreux. L’Internet abolit les frontières géographiques, de ce fait, les plateformes coréennes appartenant à de grands groupes, comme Webtoon (Naver/Wattpad), Piccoma (Kakao), Toomics proposent déjà des contenus traduits en français et les acteurs français, plus anciens ou récents, comme Delitoon (consortium), Verytoon (Delcourt), Webtoon Factory (Dupuis), Iznéo (La Fnac) ont des moyens économiques dont nous ne disposons pas.

Cependant, nous n’excluons pas la réception de créations de la part d’auteurs en recherche d’édition au format papier. Et peut-être, un jour, serons-nous à même de solliciter de nouvelles créations en fonction de nos propres thèmes.

Comment pensez-vous vous démarquez par rapport à vos concurrents ?

Je pense que nous nous démarquerons par nos choix, et par la construction de notre catalogue. Ce sont nos livres qui nous définiront. Éditeur de webtoons coréens est déjà une étiquette en soi, mais la différence s’opérera par la qualité de nos prochaines publications.

Comment voyez-vous l’avenir du webtoon ?

Un article paru récemment dans Livres Hebdo indiquait que le marché est arrivé à un pic en 2021 et redescend déjà en 2022. (+40% en moyenne malgré tout) dans un secteur où le manga reste l’un des principaux moteurs. Le webtoon s’y introduit en force, mais seuls certains titres, pas uniquement coréens, se font une véritable place sur les étagères des lecteurs. La concurrence qu’apporte le webtoon coréen au manga japonais est forte, mais les chiffres des têtes de vente ne sont pas encore comparables.
Je vois le webtoon s’installer dans la durée au sein des librairies grâce à la spécificité du lectorat français. Peut-être bientôt, l’offre grandissant, de nouveaux rayons porteront le label « Corée du Sud » ou plus génériquement « Webtoon », mais l’économie va forcément connaître un creux aux vues du nombre de titres qui vont encore élargir une offre déjà abondante.
À nous de nous faire notre place, modestement, face aux mastodontes de l’industrie.

Quels sont les prochains titres de KMICS ?

Pour cela, des négociations sont en cours, je ne peux donc pas trop m’avancer. Mais nous y travaillons ardemment et avec passion.

Nous remercions beaucoup Franck de Crescenzo  qui a pris le temps de répondre à nos questions et qui nous a permis de découvrir Leviathan Deep Water et nous lui souhaitons toute la réussite possible.

      Retrouvez notre critique de Leviathan Deep Water ICI

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